Approche biochimique de la maladie de Huntington et des pathologies liées aux poly-glutamines

La maladie de Huntington (HD) est une maladie neurodégénérative héréditaire qui se caractérise par des mouvements involontaires, une déficience motrice générale, des troubles psychiatriques et la démence. Les bases moléculaires de la HD ont fait l'objet d'études depuis le début des années 1990, lorsque le gène causal et son expansion tri-nucléotidique ont été découverts. Les mutations dans le gène transcrit, la protéine huntingtine (htt), conduit à des expansions de poly glutamine (poly Q) à l'extrémité N-terminale. En effet les segments de poly Q ayant plus de 35 répétitions deviennent pathogéniques.

Même si htt a fait l'objet de nombreuses études, sa caractérisation à résolution atomique est compromise car htt est sujette à l'agrégation. De plus, la partie N-terminale logeant la mutation n'adopte pas de structure globulaire, ceci empêche d'une part des études de cristallisation aux rayons X et d'autre part l'analyse des données RMN car la répétition des poly Q est mal résolue dans les spectres. Pour surmonter les limitations actuelles de l'analyse des poly Q, nous avons combiné la « non-sense suppression » et l'expression de la protéine en « cell free » afin de marquer de manière spécifique une seule glutamine dans htt. Nous avons pu effectuer des expériences de RMN pour obtenir des spectres contenant le signal d'une seule glutamine, ce qui nous a permis de mesurer avec précision les déplacements chimiques du squelette peptidique et de la chaîne latérale de chaque glutamine les unes après les autres. L'analyse finale permet de mettre en évidence les éléments de structure secondaires qui apparaissent le long de la séquence poly Q. Notre analyse de htt indique que les 17 résidus N-terminaux ont une forte propension à l'hélicité qui croît à l'approche du segment de poly Q. Cette propension diminue ensuite le long du segment poly Q et les résidus en aval, y compris deux poly P, montrent une tendance plus prononcée à une structuration étendue, qui est très probablement due à un enrichissement en conformation de type poly-proline-II.

Avec cette méthodologie, nous pouvons maintenant mesurer d'autres observables RMN tels que les couplages dipolaires résiduels, les vitesses de relaxation et l'augmentation de la relaxation paramagnétique qui peuvent être utilisées pour caractériser la propension conformationnelle locale, la coopérativité structurale et les interactions intramoléculaires dans les régions poly Q. Ceci ouvre la voie à la compréhension des bases structurales de l'espèce pathologique de htt et de la présence présumée d'une sous-population de conformères toxiques restée spéculative jusqu'à ce point.

A. Urbanek, A. Morato, F. Allemand, E. Delaforge, A. Fournet, M. Popovic, S. Delbecq, N. Sibille, P. Bernado, Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 2018, DOI 10.1002/anie.201711530.

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